L’inquiétude règne chez les imams du Royaume. Selon un récent sondage publié par l’université d’Ass-Azzag, 95% des Marocaines n’assistent pas à la prière de tarawih. Ce chiffre est d’autant plus inquiétant qu’il était à moins de 25% il y a dix ans à peine.
Depuis une décennie, une croyance populaire se répand comme une traînée poudre : “on peut être un bon musulman et ne pas prier” et son corollaire : “on peut être une bonne musulmane et ne pas porter le voile”. Une idée qui a crû et que l’on retrouve dans ce sondage. “ Regardons les choses telles qu’elles sont : notre pays a mal digéré la Moudawana et la mondialisation n’a fait qu’aggraver la situation.” affirme l’imam Al-Boustani, prêcheur dans une grande mosquée casablancaise. Al-Boustani connu notamment pour sa misogynie décomplexée pointe du doigt la gent féminine : « Les femmes sont la cause première de la décadence de l’Islam.» Et ce n’est pas tant ce chiffre de 95% qui le pousse à déclarer un pareil propos qu’un autre chiffre sans source aucune : « 70% des filles qui sortent pour la salat des tarawih n’arrivent pas à la mosquée ». Aussi sans citer la moindre enquête, mu par une complotite aiguë l’imam casablancais s’est-il lancé dans une tentative d’explication de ce chiffre qui matérialise à ses yeux la décadence :
« Notre islamité perd chaque année de nouvelles briques de son édifice. Le processus date de plus de dix ans. Mais s’est accéléré en effet depuis dix ans, comme le montre votre sondage et ses 95% de déserteuses. Ce chiffre cache un autre plus terrible : celui des 70% de filles – à savoir des femmes âgées de 16 à 22 ans – qui sortent de chez elles lors des tarawih mais qui n’arrivent pas à la mosquée. Les infidèles ont utilisé nos femmes contre nous, pour détruire notre société depuis sa base. Ils ont commencé par ces télénovélas qui éloignèrent nos filles des figures saintes de Maryam et de Zahrae pour les faire fondre devant une Guadalopée à la recherche de son Alejandro. Puis ils ont traduit leurs œuvres occidentales diaboliques en la sainte langue du coran, déplaçant nos sœurs de Iqraa vers MBC4 : de l’amour de la religion à l’amour de l’amour. Et aujourd’hui, aujourd’hui hélas, nos filles ont quitté la mosquée pour… pour je ne sais où, justement, et c’est cela qui m’inquiète le plus… »
Bien entendu, ces filles ne se perdent pas. Lors de la conclusion de la prière, elles reviennent chez elles, couvertes d’un voile à l’instar de celles revenant de la mosquée. Où se rendent-elles donc ? Pour ne laisser cette question centrale en suspens, nous sommes allés à la rencontre d’Abdellatif Hammouchi, chef de la Direction générale de la surêté nationale. Ce dernier nous a non seulement confirmé le chiffre de 70% avancé par Al-Boustani, mais il l’a également agrémenté d’une profondeur : « Ces 70% dont on parle constitue un groupe qu’on peut découper en trois catégories.» S’arrêtant sur cette phrase, n’ayant plus de temps à accorder à notre modeste rédaction, le directeur de la DGSN nous laissa toutefois avec un assistant qui nous présenta sur PPT les trois catégories :
- 80 % se rendent à des cafés ou autres bars chicha en compagnie de l’être aimé.
- 15 % se baladent dans la rue en compagnie de l’être aimé.
- 5% rejoignent dans un studio type «bertouche » l’être aimé.